Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/335

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le temps à vos réflexions, je veux retourner à l’abbaye du Paraclet ; et si, après une absence raisonnable, vous pensez de même, je pourrai alors me déterminer.

Non, mademoiselle, lui dit-il, je ne consens point à votre éloignement : il faut que vous me haïssiez pour m’imposer des lois aussi dures. Que m’importe que mon mariage soit approuvé de ce public dont vous me menacez ? vous suffirez seule à mon bonheur : vous me seriez mille fois moins chère si vous étiez née dans le rang le plus élevé. Si ma naissance était égale à la vôtre, répondit-elle, je recevrais avec joie l’honneur que vous me faites ; mais c’est par la distance qu’il y a entre nous, que je dois me mettre à plus haut prix.

Elle achevait à peine de prononcer ces paroles, que le marquis de la Valette entra avec quelques autres personnes de la cour. Mademoiselle d’Essei était trop fière pour lui laisser croire qu’elle était touchée du procédé qu’il avait pour elle ; aussi affecta-t-elle de le recevoir de la même façon dont elle l’avait toujours reçu ; mais elle lui trouva un air si content, qu’elle en fut déconcertée, et qu’elle n’eut plus la force de soutenir la gaieté qu’elle avait affectée d’abord.

Le comte de Blanchefort sortit presque aussitôt que le marquis de la Valette fut entré : mademoiselle d’Essei se leva en même temps que lui, en disant tout haut, qu’elle allait chez mademoiselle de Magnelais. Vous la connaissez donc, mademoiselle, lui dit le marquis de la Valette ? Nous avons passé une partie de notre vie ensemble, répondit mademoiselle d’Essei, et je puis vous assurer, ajouta-t-elle en le regardant, que sa confiance pour moi a toujours été sans réserve. Et moi,