Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/48

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notre conversation. Je fus au lit de la mère, qui me reçut avec bonté : elle me promit de faire tous ses efforts pour réconcilier nos familles. Je sortis ensuite pour les laisser en liberté. Mon conducteur, qui m’attendait dans ma chambre, n’avait pas daigné s’informer de ceux qui venaient d’arriver, ce qui me donna la liberté de voir encore un moment Adélaïde, avant que de partir. J’entrai dans sa chambre dans un état plus aisé à imaginer qu’à représenter ; je craignais de la voir pour la dernière fois. Je m’approchai de la mère : ma douleur lui parla pour moi bien mieux que je n’eusse pu faire ; aussi en reçus-je encore plus de marques de bonté, que le soir précédent. Adélaïde était à un autre bout de la chambre ; j’allai à elle d’un pas chancelant. Je vous quitte, ma chère Adélaïde. Je répétai la même chose deux ou trois fois ; mes larmes que je ne pouvais retenir, lui dirent le reste ; elle en répandit aussi. Je vous montre toute ma sensibilité, me dit-elle ; je ne m’en fais aucun reproche ; ce que je sens dans mon cœur autorise ma franchise, et vous méritez bien que j’en aie pour vous : je ne sais quelle sera votre destinée ; mes parents décideront de la mienne. Et pourquoi nous assujettir, lui répondis-je, à la tyrannie de nos pères ? Laissons-les se haïr, puisqu’ils le veulent, et allons dans quelque coin du monde jouir de notre tendresse, et nous en faire un devoir. Que m’osez-vous proposer, me répondit-elle ? voulez-vous me faire repentir des sentiments que j’ai pour vous ? ma tendresse peut me rendre malheureuse, je vous l’ai dit ; mais elle ne me rendra jamais criminelle. Adieu, ajouta-t-elle, en me tendant la main ; c’est par