Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre constance et par notre vertu que nous devons tâcher de rendre notre fortune meilleure ; mais, quoi qu’il nous arrive, promettons-nous de ne rien faire qui puisse nous faire rougir l’un de l’autre. Je baisais, pendant qu’elle me parlait, la main qu’elle m’avait tendue ; je la mouillais de mes larmes. Je ne suis capable, lui dis-je enfin, que de vous aimer, et de mourir de douleur.

J’avais le cœur si serré, que je pus à peine prononcer ces dernières paroles. Je sortis de cette chambre, je montai à cheval, et j’arrivai au lieu où nous devions dîner, sans avoir fait autre chose que de pleurer ; mes larmes coulaient, et j’y trouvais une espèce de douceur : quand le cœur est véritablement touché, il sent du plaisir à tout ce qui lui prouve à lui-même sa propre sensibilité.

Le reste de notre voyage se passa, comme le commencement, sans que j’eusse prononcé une seule parole. Nous arrivâmes le troisième jour dans un château bâti auprès des Pyrénées. On voit alentour, des pins, des cyprès, des rochers escarpés et arides, et on n’entend que le bruit des torrents qui se précipitent entre les rochers. Cette demeure si sauvage me plaisait, par cela même qu’elle ajoutait encore à ma mélancolie. Je passais les journées entières dans les bois ; j’écrivais, quand j’étais revenu, des lettres où j’exprimais tous mes sentiments. Cette occupation était mon unique plaisir. Je les lui donnerai un jour, disais-je ; elle verra par-là, à quoi j’ai passé le temps de l’absence. J’en recevais quelquefois de ma mère : elle m’en écrivit une qui me donnait quelque espérance (hélas ! c’est