Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mir, ne m’étonna point : et Adélaïde était pour moi tout l’univers.

Cette pensée me donna quelque tranquillité, qui était cependant troublée par l’impatience que j’avais d’être interrogé. Ma porte s’ouvrit au milieu de la nuit. Je fus surpris en voyant entrer dom Gabriel. Rassurez-vous, me dit-il, en s’approchant ; je viens par ordre de madame de Benavidés ; elle a eu assez d’estime pour moi pour ne me rien cacher de ce qui vous regarde. Peut-être, ajouta-t-il avec un soupir qu’il ne put retenir, aurait-elle pensé différemment, si elle m’avait bien connu. N’importe, je répondrai à sa confiance ; je vous sauverai et je la sauverai, si je puis. Vous ne me sauverez point, lui dis-je à mon tour ; je dois justifier madame de Benavidés, et je le ferais aux dépens de mille vies.

Je lui expliquai tout de suite mon projet de ne point me faire connaître. Ce projet pourrait avoir lieu, me répondit dom Gabriel, si mon frère était mort, comme je vois que vous le croyez ; mais sa blessure, quoique grande, peut n’être pas mortelle, et le premier signe de vie qu’il a donné, a été de faire renfermer madame de Benavidés dans son appartement. Vous voyez par-là qu’il l’a soupçonnée, et que vous vous perdriez sans la sauver. Sortons, ajouta-t-il ; je puis aujourd’hui pour vous ce que je ne pourrai peut-être plus demain. Et que deviendra madame de Benavidés, m’écriai-je ? non, je ne puis me résoudre à me tirer d’un péril où je l’ai mise, et à l’y laisser. Je vous ai déjà dit, me répondit dom Gabriel, que votre présence ne peut que rendre sa condition plus fâcheuse. Hé bien ! lui dis-je,