Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/70

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je fuirai, puisqu’elle le veut, et que son intérêt le demande. J’espérais en sacrifiant ma vie lui donner du moins quelque pitié ; je ne méritais pas cette consolation. Je suis un malheureux, indigne de mourir pour elle. Protégez-la, dis-je à dom Gabriel ; vous êtes généreux ; son innocence, son malheur, doivent vous toucher. Vous pouvez juger, me répliqua-t-il, par ce qui m’est échappé, que les intérêts de madame de Benavidés me sont plus chers qu’il ne faudrait pour mon repos ; je ferai tout pour elle. Hélas ! ajouta-t-il, je me croirais payé, si je pouvais encore penser qu’elle n’a rien aimé. Comment se peut-il que le bonheur d’avoir touché un cœur comme le sien ne vous ait pas suffi ? Mais sortons, poursuivit-il, profitons de la nuit. Il me prit par la main, tourna une lanterne sourde, et me fit traverser les cours du château. J’étais si plein de rage contre moi-même, que, par un sentiment de désespéré, j’aurais voulu être encore plus malheureux que je n’étais.

Dom Gabriel m’avait conseillé, en me quittant, d’aller dans un couvent de religieux qui n’était qu’à un quart de lieue du château : Il faut, me dit-il, vous tenir caché dans cette maison pendant quelques jours, pour vous dérober aux recherches que je serai moi-même obligé de faire ; voilà une lettre pour un religieux de la maison, à qui vous pouvez vous confier. J’errai encore long-temps autour du château ; je ne pouvais me résoudre à m’en éloigner ; mais le désir de savoir des nouvelles d’Adélaïde me détermina enfin à prendre la route du couvent.

J’y arrivai à la pointe du jour. Ce religieux, après