Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/86

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résolu de passer en Hongrie, où j’espère trouver la mort dans les périls de la guerre, ou retrouver le repos que j’ai perdu.

Dom Gabriel cessa de parler ; je ne pus lui répondre, ma voix était étouffée par mes soupirs et par mes larmes ; il en répandait aussi-bien que moi ; il me quitta enfin sans que j’eusse pu lui dire une parole. Dom Jérôme l’accompagna, et je restai seul : ce que je venais d’entendre augmentait l’impatience que j’avais de me trouver dans un lieu où rien ne me dérobât à ma douleur. Le désir d’exécuter ce projet hâta ma guérison : après avoir langui si long-temps, mes forces commencèrent à revenir, ma blessure se ferma, et je me vis en état de partir en peu de temps. Les adieux de dom Jérôme et de moi furent, de sa part, remplis de beaucoup de témoignages d’amitié ; j’aurais voulu y répondre ; mais j’avais perdu ma chère Adélaïde, et je n’avais de sentiment que pour la pleurer. Je cachai mon dessein, de peur qu’on ne cherchât à y mettre obstacle. J’écrivis à ma mère par Saint-Laurent, à qui j’avais fait croire que j’attendrais la réponse dans le lieu où j’étais. Cette lettre contenait un détail de tout ce qui m’était arrivé ; je finissais en lui demandant pardon de m’éloigner d’elle : j’ajoutais que j’avais cru devoir lui épargner la vue d’un malheureux qui n’attendait que la mort ; enfin, je la priais de ne faire aucune perquisition pour découvrir ma retraite, et je lui recommandais Saint-Laurent.

Je lui donnai, quand il partit, tout ce que j’avais d’argent ; je ne gardai que ce qui m’était nécessaire pour faire mon voyage. La lettre de madame de Benavidés,