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LIVRE TROISIÉME.

Un jour que celuy-cy plein de jus de la treille,
Avoit laissé ses sens au fond d’une bouteille,
Sa femme l’enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuverent à loisir. A son réveil il treuve
L’attirail de la mort à l’entour de son corps,
Un luminaire, un drap des morts.
Oh ! dit-il, qu’est-cecy ? Ma femme est-elle veuve ?
Là-dessus son Epouse en habit d’Alecton,
Masquée, et de sa voix contre-faisant le ton,
Vient au prétendu mort ; approche de sa biere
Luy presente un chaudeau propre pour Lucifer.
L’Epoux alors ne doute en aucune maniere
Qu’il ne soit citoyen d’enfer.
Quelle personne es-tu ? dit-il à ce phantosme.
La celeriere du Royaume
De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger
A ceux qu’enclost la tombe noire.
Le Mary repart sans songer :
Tu ne leur portes point à boire ?




VIII.
LA GOUTE ET L’ARAIGNÉE.



Quand l’Enfer eut produit la Goute et l’Araignée,
Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous venter
D’être pour l’humaine lignée
Egalement à redouter.
Or avisons aux lieux qu’il vous faut habiter.
Voyez-vous ces cases étretes,
Et ces Palais si grands, si beaux, si bien dorez