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LIVRE QUATRIÉME.

C’est à dire environ le temps
Que tout aime, et que tout pullule dans le monde ;
Monstres marins au fond de l’onde,
Tigres dans les Forests, Aloüettes aux champs.
Une pourtant de ces dernieres
Avoit laissé passer la moitié d’un Printemps
Sans gouster le plaisir des amours printanieres.
A toute force enfin elle se resolut
D’imiter la nature, et d’estre mere encore.
Elle bastit un nid, pond, couve, et fait éclore
A la haste ; le tout alla du mieux qu’il pût.
Les bleds d’alentour mûrs, avant que la nitée
Se trouvât assez forte encor
Pour voler et prendre l’essor.
De mille soins divers l’Aloüette agitée
S’en va chercher pâture ; avertit ses enfans
D’être toûjours au guet et faire sentinelle.
Si le possesseur de ces champs
Vient avecque son fils (comme il viendra) dit-elle,
Écoutez bien ; selon ce qu’il dira,
Chacun de nous décampera.
Si-tost que l’Aloüette eut quitté sa famille,
Le possesseur du champ vient avecque son fils.
Ces bleds sont mûrs, dit-il ; allez chez nos amis
Les prier que chacun apportant sa faucille,
Nous vienne aider demain dés la pointe du jour.
Nostre Aloüette de retour
Trouve en alarme sa couvée.
L’un commence. Il a dit que l’Aurore levée,
L’on fît venir demain ses amis pour l’aider.
S’il n’a dit que cela, repartit l’Aloüette,
Rien ne nous presse encor de changer de retraitte :
Mais c’est demain qu’il faut tout de bon écouter.
Cependant soyez gais ; voila dequoy manger.
Eux repus, tout s’endort ; les petits et la mere.
L’aube du jour arrive ; et d’amis point du tout.
L’Aloüette à l’essort, le Maistre s en vient faire
Sa ronde ainsi qu’à l’ordinaire.