Aller au contenu

Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
LIVRE CINQUIÉME.


XVIII.
L’AIGLE ET LE HIBOU.



L’Aigle et le Chat-huant leurs querelles cesserent,
Et firent tant qu’ils s’embrasserent.
L’un jura foy de Roy, l’autre foy de Hibou,
Qu’ils ne se goberoient leurs petits peu ny prou.
Connoissez-vous les miens ? dit l’Oiseau de Minerve.
Non, dit l’Aigle. Tant pis, reprit le triste oiseau.
Je crains en ce cas pour leur peau :
C’est hazard si je les conserve.
Comme vous estes Roy, vous ne considerez
Qui ny quoy : Rois et Dieux mettent, quoy qu’on leur die,
Tout en mesme categorie.
Adieu mes nourriçons si vous les rencontrez.
Peignez-les-moy, dit l’Aigle, ou bien me les monstrez.
Je n’y toucheray de ma vie.
Le Hibou repartit : Mes petits sont mignons :
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons.
Vous les reconnoistrez sans peine à cette marque.
N’allez, pas l’oublier ; retenez-la si bien
Que chez moy la maudite Parque
N’entre point par vostre moyen.
Il avint qu’au Hibou Dieu donna geniture.
De façon qu’un beau soir qu’il estoit en pasture,
Nostre Aigle apperceut d’avanture,
Dans les coins d’une roche dure.
Ou dans les trous d’une mazure,
(Je ne sçais pas lequel des deux)
De petits monstres fort hideux,
Rechignez, un air triste, une voix de Megere.
Ces enfans ne sont pas, dit l’Aigle, à nostre amy :