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FABLES CHOISIES.

Croquons-les. Le galand n’en fit pas à demy.
Ses repas ne sont point repas à la legere.
Le Hibou de retour ne trouve que les pieds
De ses chers nourriçons, helas ! pour toute chose.
Il se plaint, et les Dieux sont par luy suppliez
De punir le brigand qui de son deüil est cause.
Quelqu’un luy dit alors : N’en accuse que toy,
Ou plustost la commune loy
Qui veut qu’on trouve son semblable
Beau, bien fait, et sur tous aimable.
Tu fis de tes enfans à l’Aigle ce portrait ;
En avoient-ils le moindre trait ?




XIX.
LE LION S’EN ALLANT EN GUERRE.



Le Lion dans sa teste avoit une entreprise.
Il tint conseil de guerre ; envoya ses Prévosts ;
Fit avertir les animaux ;
Tous furent du dessein ; chacun selon sa guise.
L’Elephant devoit sur son dos
Porter l’attirail necessaire,
Et combatre à son ordinaire :
L’Ours s’apprester pour les assauts :
Le Renard ménager de secrettes pratiques :
Et le Singe amuser l’ennemy par ses tours.
Renvoyez, dit quelqu’un, les Asnes qui sont lourds ;
Et les Lievres sujets à des terreurs paniques.
Point du tout, dit le Roy, je les veux employer.
Nostre troupe sans eux ne seroit pas complete.
L’Asne effraira les gens nous servant de trompete ;
Et le Lievre pourra nous servir de courrier.

Le Monarque prudent et sage
De ses moindres sujets sçait tirer quelque usage,