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FABLES CHOISIES.

C’est, dit-il, un cadavre : Ostons-nous, car il sent.
A ces mots l’Ours s’en va dans la forest prochaine.
L’un de nos deux Marchands de son arbre descend ;
Court à son compagnon ; luy dit que c’est merveille,
Qu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal.
Et bien, ajoûta-t-il, la peau de l’animal ?
Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?
Car il t’approchoit de bien prés.
Te retournant avec sa serre.
Il m’a dit qu’il ne faut jamais
Vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre.




XXI.
L’ASNE VESTU DE LA PEAU DU LION.



De la peau du Lion l’Asne s’étant vestu
Estoit craint par tout à la ronde.
Et bien qu’animal sans vertu,
Il faisoit trembler tout le monde.
Un petit bout d’oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l’erreur.
Martin fit alors son office.
Ceux qui ne sçavoient pas la ruse et la malice,
S’estonnoient de voir que Martin
Chassast les Lions au moulin.

Force gens font du bruit en France
Par qui cét Apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier
Fait les trois quarts de leur vaillance.