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FABLES CHOISIES.

A tous les accidens ; mais il n’a pas préveu
Que je sçauray souffler de sorte
Qu’il n’est bouton qui tienne ; il faudra, si je veux,
Que le manteau s’en aille au diable.
L’ébatement pourroit nous en estre agreable :
Vous plaist-il de l’avoir ? Et bien gageons nous deux
(Dit Phœbus) sans tant de paroles,
A qui plus tost aura dégarny les épaules
Du Cavalier que nous voyons.
Commencez : Je vous laisse obscurcir mes rayons.
Il n’en falut pas plus. Nostre souffleur à gage
Se gorge de vapeurs, s’enfle comme un ballon ;
Fait un vacarme de demon ;
Siffle, souffle, tempeste, et brise en son passage
Main toit qui n’en peut mais, fait perir main bateau ;
Le tout au sujet d’un manteau.
Le Cavalier eut soin d’empescher que l’orage
Ne se pût engoufrer dedans.
Cela le préserva ; le vent perdit son temps :
Plus il se tourmentoit, plus l’autre tenoit ferme :
Il eut beau faire agir le colet et les plis.
Si-tost qu’il fut au bout du terme
Qu’à la gageure on avoit mis,
Le Soleil dissipe la nuë :
Recrée, et puis penetre enfin le Cavalier ;
Sous son balandras fait qu’il suë ;
Le contraint de s’en dépoüiller.
Encor’ n’usa-t-il pas de toute sa puissance.
Plus fait douceur que violence.




IV.
JUPITER ET LE MÉTAYER.



Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l’annonce ; et gens se présenterent,
Firent des offres, écouterent :