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LIVRE SIXIÉME.


XV.
L’OISELEUR, L’AUTOUR, ET
L’ALOÜETTE.



Les injustices des pervers
Servent souvent d’excuse aux nostres.
Telle est la loy de l’Univers :
Si tu veux qu’on t’épargne, épargne aussi les autres.
Un Manant au miroir prenoit des Oisillons,
Le fantosme brillant attire une Aloüette.
Aussi-tost un Autour planant sur les sillons
Descend des airs, fond, et se jette
Sur celle qui chantoit, quoy que prés du tombeau.
Elle avoit évité la perfide machine,
Lors que se rencontrant sous la main de l’oiseau
Elle sent son ongle maline.
Pendant qu’à la plumer l’Autour est occupé,
Luy-mesme sous les rets demeure envelopé.
Oiseleur laisse-moy, dit-il en son langage.
Je ne t’ay jamais fait de mal.
L’Oiseleur repartit : Ce petit animal
T’en avoit-il fait davantage ?




XVI.
LE CHEVAL ET L’ASNE.



En ce monde il se faut l’un l’autre secourir.
Si ton voisin vient à mourir,
C’est sur toy que le fardeau tombe.
Un Asne accompagnoit un Cheval peu courtois,