Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
FABLES CHOISIES.

Celuy-cy ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre Baudet si chargé qu’il succombe.
Il pria le Cheval de l’aider quelque peu :
Autrement il mourroit devant qu’estre à la ville.
La priere, dit-il, n’en est pas incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le Cheval refusa, fit une petarrade ;
Tant qu’il vid sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu’il avoit tort.
Du Baudet en cette avanture,
On luy fit porter la voiture,
Et la peau par dessus encore.




XVII.
LE CHIEN QUI LACHE SA PROYE
POUR L’OMBRE.



Chacun se trompe icy bas :
On void courir après l’Ombre
Tant de fous, qu’on n’en sçait pas
La pluspart du temps le nombre.

Au Chien dont parle Esope il faut les renvoyer)
Ce Chien voyant sa proye en l’eau représentée,
La quitta pour l’image, et pensa se noyer ;
La riviere devint tout d’un coup agitée.
A toute peine il regagna les bords,
Et n’eut ny l’ombre ny le corps.