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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/197

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LIVRE SEPTIÉME.

La solitude estoit profonde,
S’étendant partout à la ronde.
Nostre hermite nouveau subsistoit là dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu’en peu de jours il eut au fond de l’hermitage
Le vivre et le couvert ; que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font vœu d’estre siens.
Un jour au devot personnage
Des deputez du peuple Rat
S’en vinrent demander quelque aumône legere :
Ils alloient en terre etrangere
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis estoit bloquée :
On les avoit contraints de partir sans argent,
Attendu l’estat indigent
De la Republique attaquée.
Ils demandoient fort peu, certains que le secours
Seroit prest dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,
Les choses d’icy bas ne me regardent plus ;
En quoy peut un pauvre Reclus
Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le ciel qu’il vous aide en cecy ?
J’espere qu’il aura de vous quelque soucy.
Ayant parlé de cette sorte,
Le nouveau Saint ferma sa porte.
Qui designay-je à vostre avis
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ? Non, mais un Dervis ;
Je suppose qu’un Moine est toûjours charitable.