Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
LIVRE SEPTIÉME.

Ou vous n’aurez avec eux nulle paix.
Cecy soit dit en passant ; je me tais.




VIII.
LE COCHE ET LA MOUCHE.



Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les cotez au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiroient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout estoit descendu.
L’attelage suoit, soufloit, estoit rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s’approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment
Qu’elle fait aller la machine.
S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussi tost que le char chemine.
Et qu’elle voit les gens marcher.
Elle s’en attribuë uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ;
Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire.
Le Moine disoit son Bréviaire ;
Il prenoit bien son temps ! une femme chantoit ;
C’estoit bien de chansons qu’alors il s’agissoit !
Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sotises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussi-tost ;
J’ay tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Çà, Messieurs les Chevaux, payez-moy de ma peine.