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FABLES CHOISIES.

Ainsi certaines gens, faisant les empressez
S’introduisent dans les affaires,
Ils font partout les necessaires ;
Et par tout importuns devroient estre chassez.




IX.
LA LAITIERE ET LE POT AU LAIT.



Perrette sur sa teste ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Pretendoit arriver sans encombre à la ville.
Legere et court vestuë elle alloit à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là pour estre plus agile
Cotillon simple, et souliers plats.
Nostre Laitiere ainsi troussée
Comptoit déja dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employoit l’argent,
Achetoit un cent d’œufs, faisoit triple couvée ;
La chose alloit à bien par son soin diligent.
Il m’est, disoit-elle, facile
D’élever des poulets autour de ma maison ;
Le Renard sera bien habile
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il estoit quand je l’eus de grosseur raisonnable ;
J’auray le revendant de l’argent bel et bon ;
Et qui m’empêchera de mettre en nostre estable,
Veu le prix dont il est, une vache, et son veau,
Que je verray sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La Dame de ces biens, quittant d’un œil marry
Sa fortune ainsi repanduë,
Va s’excuser à son mary