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LIVRE SEPTIÉME.

Tourna les yeux vers son village
Plus d’une fois, essuyant les dangers
Des Pyrates, des vents, du calme et des rochers,
Ministres de la mort. Avec beaucoup de peines,
On s’en va la chercher en des rives lointaines,
La trouvant assez tost sans quitter la maison.
L’homme arrive au Mogol ; on luy dit qu’au Japon
La Fortune pour lors distribuoit ses graces.
Il y court ; les mers estoient lasses
De le porter ; et tout le fruit
Qu’il tira de ses longs voyages,
Ce fut cette leçon que donnent les sauvages :
Demeure en ton païs par la nature instruit.
Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme
Que le Mogol l’avoit esté ;
Ce qui luy fit conclure en somme,
Qu’il avoit à grand tort son village quité.
Il renonce aux courses ingrates,
Revient en son païs, void de loin ses pénates,
Pleure de joye, et dit : Heureux qui vit chez soy ;
De regler ses desirs faisant tout son employ.
Il ne sçait que par oüir dire
Ce que c’est que la cour, la mer, et ton empire,
Fortune, qui nous fais passer devant les yeux
Des dignitez, des biens, que jusqu’au bout du monde
On suit sans que l’effet aux promesses réponde.
Desormais je ne bouge, et feray cent fois mieux.
En raisonnant de cette sorte,
Et contre la Fortune ayant pris ce conseil,
Il la trouve assise à la porte
De son amy plongé dans un profond sommeil.