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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/218

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FABLES CHOISIES.

La queuë au Ciel se plaignit,
Et luy dit :
Je fais mainte et mainte lieuë,
Comme il plaist à celle-cy.
Croit-elle que toûjours j’en veüille user ainsi ?
Je suis son humble servante.
On m’a faite Dieu mercy
Sa sœur, et non sa suivante.
Toutes deux de mesme sang
Traitez-nous de mesme sorte ;
Aussi bien qu’elle je porte
Un poison prompt et puissant.
Enfin voila ma requeste ;
C’est à vous de commander,
Qu’on me laisse préceder
A mon tour ma sœur la teste.
Je la conduiray si bien,
Qu’on ne se plaindra de rien.
Le Ciel eut pour ces vœux une bonté cruelle.
Souvent sa complaisance a de méchans effets.
Il devroit estre sourd aux aveugles souhaits.
Il ne le fut pas lors : et la guide nouvelle,
Qui ne voyoit au grand jour,
Pas plus clair que dans un four,
Donnoit tantost contre un marbre,
Contre un passant, contre un arbre.
Droit aux ondes du Styx elle mena sa sœur.
Malheureux les Estats tombez dans son erreur.




XVII.
UN ANIMAL DANS LA LUNE.



Pendant qu’un Philosophe assure,
Que toûjours par leurs sens les hommes sont dupez,
Un autre Philosophe jure,
Qu’ils ne nous ont jamais trompez.