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FABLES CHOISIES.

La lunette placée, un animal nouveau
Parut dans cet astre si beau ;
Et chacun de crier merveille.
Il estoit arrivé là haut un changement.
Qui présageoit sans doute un grand évenement.
Sçavoit-on si la guerre entre tant de puissances
N’en estoit point l’effet ? Le Monarque accourut :
Il favorise en Roy ces hautes connoissances.
Le Monstre dans la Lune à son tour luy parut.
C’estoit une Souris cachée entre les verres[1] :
Dans la lunette estoit la source de ces guerres.
On en rit : Peuple heureux, quand pourront les François
Se donner comme vous entiers à ces emplois ?
Mars nous fait recüeillir d’amples moissons de gloire :
C’est à nos ennemis de craindre les combats,
A nous de les chercher, certains que la victoire
Amante de Loüis suivra par tout ses pas.
Ses lauriers nous rendront celebres dans l’histoire.
Mesme les filles de memoire
Ne nous ont point quitez : nous goûtons des plaisirs :
La paix fait nos souhaits, et non point nos soûpirs.
Charles en sçait joüir : Il sçauroit dans la guerre
Signaler sa valeur, et mener l’Angleterre
A ces jeux qu’en repos elle void aujourd’huy.
Cependant s’il pouvoit appaiser la querelle.
Que d’encens ! Est-il rien de plus digne de luy ?
La carriere d’Auguste a-t-elle esté moins belle
Que les fameux exploits du premier des Cesars ?
O peuple trop heureux, quand la paix viendra-t-elle
Nous rendre comme vous tout entiers aux beaux arts ?

  1. C’est au chevalier Paul Neal, membre de la Société royale de Londres, qu’on attribue cette mésaventure scientifique.