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LIVRE HUITIÉME.

Manda des Medecins ; il en est de tous arts :
Medecins au Lion viennent de toutes parts ;
De tous costez luy vient des donneurs de receptes.
Dans les visites qui sont faites
Le Renard se dispense, et se tient clos et coy.
Le Loup en fait sa cour, daube au coucher du Roy
Son camarade absent ; le Prince tout à l’heure
Veut qu’on aille enfumer Renard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est presenté ;
Et sçachant que le Loup luy faisoit cette affaire :
Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincere
Ne m’ait à mépris imputé
D’avoir differé cet hommage ;
Mais j’estois en pelerinage :
Et m’acquitois d’un vœu fait pour vostre santé.
Mesme j’ay veu dans mon voyage
Gens experts et savans ; leur ay dit la langueur
Dont vostre Majesté craint à bon droit la suite :
Vous ne manquez que de chaleur :
Le long âge en vous l’a détruite :
D’un Loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante ;
Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire Loup vous servira,
S’il vous plaist, de robe de chambre.
Le Roy goûte cet avis-là :
On écorche, on taille, on démembre
Messire Loup. Le Monarque en soupa,
Et de sa peau s’envelopa.

Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire :
Faites si vous pouvez vostre cour sans vous nuire.
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour, d’une ou d’autre maniere :
Vous estes dans une carriere
Où l’on ne se pardonne rien.