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LIVRE HUITIÉME.

Une Sultane de renom,
Son Chien, son Chat, et sa Guenon,
Son Perroquet, sa vieille, et toute sa maison,
S’en alloit en pelerinage.
Le Rat s’estonnoit que les gens
Fussent touchez de voir cette pesante masse :
Comme si d’occuper ou plus ou moins de place,
Nous rendoit, disoit-il, plus ou moins importans.
Mais qu’admirez-vous tant en luy vous autres hommes ?
Seroit-ce ce grand corps, qui fait peur aux enfans ?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D’un grain moins que les Elephans.
Il en auroit dit davantage ;
Mais le Chat sortant de sa cage,
Luy fit voir en moins d’un instant
Qu’un Rat n’est pas un Elephant.




XVI.
L’HOROSCOPE.



On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter.
Un pere eut pour toute lignée
Un fils qu’il aima trop, jusques à consulter
Sur le sort de sa geniture
Les diseurs de bonne aventure.
Un de ces gens luy dit, que des Lions sur tout
Il éloignast l’enfant jusques à certain âge ;
Jusqu’à vingt ans, point davantage.
Le pere pour venir à bout
D’une précaution sur qui rouloit la vie
De celuy qu’il aimoit, défendit que jamais
On luy laissast passer le seüil de son Palais.
Il pouvoit sans sortir contenter son envie,