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LIVRE HUITIÉME.

Laissa tomber sa proye, afin de la casser :
Le pauvre Æschile ainsi sceut ses jours avancer.
De ces exemples il resulte,
Que cet art, s’il est vray, fait tomber dans les maux,
Que craint celuy qui le consulte ;
Mais je l’en justifie, et maintiens qu’il est faux.
Je ne crois point que la nature
Se soit lié les mains, et nous les lie encor,
Jusqu’au point de marquer dans les Cieux nostre sort.
Il dépend d’une conjoncture
De lieux, de personnes, de temps ;
Non des conjonctions de tous ces charlatans.
Ce Berger et ce Roy sont sous mesme Planete ;
L’un d’eux porte le sceptre et l’autre la houlete :
Jupiter le vouloit ainsi.
Qu’est-ce que Jupiter ? un corps sans connoissance.
D’où vient donc que son influence
Agit différemment sur ces deux hommes-cy ?
Puis comment penetrer jusques à nostre monde ?
Comment percer des airs là campagne profonde ?
Percer Mars, le Soleil, et des vuides sans fin ?
Un atome la peut détourner en chemin :
Où l’iront retrouver les faiseurs d’Horoscope ?
L’état où nous voyons l’Europe,
Merite que du moins quelqu’un d’eux l’ait préveu ;
Que ne l’a-t-il donc dit ? mais nul d’eux ne l’a sceu.
D’immense éloignement, le poinct, et sa vitesse,
Celle aussi de nos passions,
Permettent-ils à leur foiblesse
De suivre pas à pas toutes nos actions ?
Nostre sort en dépend : sa course entresuivie
Ne va non plus que nous jamais d’un mesme pas ;
Et ces gens veulent au compas,
Tracer le cours de nostre vie !
Il ne se faut point arrester
Aux deux faits ambigus que je viens de conter.
Ce fils par trop chery, ny le bonhomme Æschile
N’y font rien. Tout aveugle et menteur qu’est cet art,