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LIVRE HUITIÉME.

De son arc toutesfois il bande les ressorts.
Le Sanglier rappellant les restes de sa vie,
Vient à luy, le découst, meurt vangé sur son corps :
Et la perdrix le remercie.
Cette part du recit s’adresse au convoiteux.
L’avare aura pour luy le reste de l’exemple.
Un Loup vid en passant ce spectacle piteux.
O fortune, dit-il, je te promets un temple.
Quatre corps étendus ! que de biens ! mais pourtant
Il faut les mesnager, ces rencontres sont rares.
(Ainsi s’excusent les avares,)
J’en auray, dit le Loup, pour un mois, pour autant.
Un, deux, trois, quatre corps, ce sont quatre semaines,
Si je sçais compter, toutes pleines.
Commençons dans deux jours ; et mangeons cependant
La corde de cét arc ; il faut que l’on l’ait faite
De vray boyau ; l’odeur me le témoigne assez.
En disant ces mots il se jette
Sur l’arc qui se détend, et fait de la sagette
Un nouveau mort, mon Loup a les boyaux percez.
Je reviens à mon texte : il faut que l’on joüisse ;
Témoin, ces deux gloutons punis d’un sort commun ;
La convoitise perdit l’un ;
L’autre périt par l’avarice.