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FABLES CHOISIES.

De punir ces derniers : les humains abuserent
A leur tour des ordres divins.
De tous les animaux l’homme a le plus de pente
A se porter dedans l’excés.
Il faudroit faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n’est ame vivante
Qui ne peche en cecy. Rien de trop, est un poinct
Dont on parle sans cesse, et qu’on n’observe point.




XII.
LE CIERGE.



C’est du sejour des Dieux que les Abeilles viennent.
Les premieres, dit-on, s’en allerent loger
Au mont Hymette[1], et se gorger
De tresors qu’en ce lieu les zephirs entretiennent.
Quand on eut des palais de ces filles du Ciel
Enlevé l’ambroisie en leurs chambres enclose :
Ou, pour dire en François la chose,
Apres que les ruches sans miel
N’eurent plus que la Cire, on fit mainte bougie :
Maint Cierge aussi fut façonné.
Un d’eux voyant la terre en brique au feu durcie
Vaincre l’effort des ans, il eut la mesme envie ;
Et nouvel Empedocle[2] aux flâmes condamné

  1. Hymette estoit une montagne celebrée par les Poètes, située dans l’Attique et où Les Grecs recüeilloient d’excellent miel. (Note de La Fontaine.)
  2. Empedocle estoit un Philosophe ancien, qui, ne pouvant comprendre les merveilles du Mont Etna, se jetta dedans par une vanité ridicule, et trouvant l’action belle, de peur d’en perdre le fruit, et que la postérité ne l’ignorât, laissa ses pantoufles au pied du Mont. (Note de La Fontaine.)