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FABLES CHOISIES.




VII.
LA PERDRIX ET LES COCS.



Parmy de certains Cocs incivils, peu galans,
Toûjours en noise et turbulens,
Une Perdrix estoit nourrie.
Son sexe et l’hospitalité,
De la part de ces Cocs peuple à l’amour porté
Luy faisoient esperer beaucoup d’honnesteté :
Ils feroient les honneurs de la mesnagerie.
Ce peuple cependant fort souvent en furie,
Pour la Dame étrangere ayant peu de respec,
Luy donnoit fort souvent d’horribles coups de bec.
D’abord elle en fut affligée ;
Mais si-tost qu’elle eut vû cette troupe enragée
S’entrebattre elle-mesme, et se percer les flancs,
Elle se consola. Ce sont leurs mœurs, dit-elle,
Ne les accusons point ; plaignons plûtOst ces gens.
Jupiter sur un seul modèle
N’a pas formé tous les esprits :
Il est des naturels de Cocs et de Perdrix.
S’il dépendoit de moy, je passerois ma vie
En plus honneste compagnie.
Le maistre de ces lieux en ordonne autrement.
Il nous prend avec des tonnelles,
Nous loge avec des Cocs, et nous coupe les aisles :
C’est de l’homme qu’il faut se plaindre seulement.




VIII.
LE CHIEN A QUI ON A COUPÉ LES OREILLES.



Qu’ay-je fait pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre maistre ?
Le bel estat où me voicy !
Devant les autres Chiens oseray-je parêtre ?