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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/323

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LIVRE ONZIÉME.


II.
POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAYNE[1].



Jupiter eut un fils, qui se sentant du lieu
Dont il tiroit son origine,
Avoit l’ame toute divine.
L’enfance n’aime rien : celle du jeune Dieu
Faisoit sa principale affaire
Des doux soins d’aimer et de plaire.
En luy l’amour et la raison
Devancerent le temps, dont les aîles legeres
N’amenent que trop-tost, helas ! chaque saison.
Flore aux regards riants, aux charmantes manieres,
Toucha d’abord le cœur du jeune Olimpien.
Ce que la passion peut inspirer d’adresse,
Sentimens délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soûpirs, tout en fut : bref il n’oublia rien.
Le fils de Jupiter devoit par sa naissance
Avoir un autre esprit et d’autres dons des Cieux,
Que les enfans des autres Dieux.
Il sembloit qu’il n’agist que par réminiscence,
Et qu’il eust autresfois fait le métier d’amant,
Tant il le fit parfaitement.
Jupiter cependant voulut le faire instruire.
Il assembla les Dieux, et dit : J’ay sceu conduire
Seul et sans compagnon jusqu’ici l’Univers :
Mais il est des emplois divers
Qu’aux nouveaux Dieux je distribuë.
Sur cét enfant chery j’ay donc jetté la veuë.

  1. Cette fable n’est pas désignée autrement, dans l’édition originale. Elle a été intitulée plus tard : Les Dieux voulant instruire un Fils de Jupiter.