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FABLES CHOISIES.

Qui luy fist voir entre autre chose,
L’amour propre, donnant du ridicule aux gens.
L’injuste aura son tour : il y faut plus de temps.
Ainsi parla ce Singe. On ne m’a pas sçeu dire
S’il traita l’autre poinct ; car il est délicat ;
Et nostre maistre es Arts qui n’estoit pas un fat
Regardoit ce Lion comme un terrible sire.




VI.
LE LOUP, ET LE RENARD.



Mais d’où vient qu’au Renard Esope accorde un poinct ?
C’est d’exceller en tours pleins de matoiserie.
J’en cherche la raison, et ne la trouve point.
Quand le Loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d’attaquer celle d’autruy,
N’en sçait-il pas autant que luy ?
Je crois qu’il en sçait plus, et j’oserois peut-estre
Avec quelque raison contredire mon maistre.
Voicy pourtant un cas où tout l’honneur échût
A l’hoste des terriers. Un soir il apperçeut
La Lune au fond d’un puits : l’orbiculaire image
Luy parut un ample fromage.
Deux sceaux alternativement
Puisoient le liquide élement.
Nostre Renard pressé par une faim canine,
S’accommode en celuy qu’au haut de la machine
L’autre sceau tenoit suspendu.
Voilà l’animal descendu,
Tiré d’erreur ; mais fort en peine,
Et voyant sa perte prochaine.
Car comment remonter si quelque autre affamé
De la mesme image charmé,