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EPITRE.

d’Esope sont une ample matière pour ces talens. Elles embrassent toutes sortes d’évenemens et de caractères. Ces mensonges sont proprement une maniere d’Histoire, où on ne flate personne. Ce ne sont pas choses de peu d’importance que ces sujets. Les Animaux sont les Précepteurs des Hommes dans mon Ouvrage. Je ne m’étendrai pas davantage là-dessus ; vous voïez mieux que moi le profit qu’on en peut tirer. Si Vous vous connoissez maintenant en Orateurs et en Poëtes, Vous vous connoîtrez encore mieux quelque jour en bons Politiques et en bons Generaux d’Armée ; et Vous vous tromperez aussi peu au choix des Personnes qu’au merite des Actions. Je ne suis pas d’un âge à esperer d’en être témoin. Il faut que je me contente de travailler sous vos ordres. L’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affoiblie. Quand vous souhaiterez quelque Fable, je la trouverai dans ce fonds-là. Je voudrois bien que vous y pussiez trouver des loüanges dignes du Monarque qui fait maintenant le destin de tant de Peuples et de Nations, et qui rend toutes les parties du Monde attentives à ses Conquêtes, à ses Victoires, et à la Paix qui semble se rapprocher, et dont il impose les conditions avec toute la modération que peuvent souhaiter nos Ennemis. Je me le figure comme un Conquerant qui veut mettre des bornes à sa Gloire et à sa Puissance, et de qui on pourvoit dire à meilleur titre qu’on ne l’a dit d’Alexandre ; Qu’il va tenir les Etats de l’Univers, en obligeant les Ministres de tant de Princes de s’assembler, pour terminer une guerre qui ne peut être que ruineuse à leurs Maîtres. Ce sont des sujets au-dessus de nos