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FABLES CHOISIES.

Commençons par les Elemens ;
Vous serez étonnez de voir qu’à tous momens
Ils seront appointez contraire[1].
Outre ces quatre potentats,
Combien d’êtres de tous états
Se font une guerre éternelle ?
Autrefois un logis plein de Chiens et de Chats,
Par cent Arrêts rendus en forme solemnelle,
Vit terminer tous leurs débats.
Le Maître aïant réglé leurs emplois, leur Repas,
Et menacé du foüet quiconque auroit querelle.
Ces animaux vivoient entr’eux comme cousins ;
Cette[2] union si douce, et presque fraternelle,
Edifioit tous les voisins.
Enfin elle cessa. Quelque plat[3] de potage,
Quelque os par préférence à quelqu’un d’eux donné,
Fit que l’autre parti s’en vint[4] tout forcené
Representer un tel outrage.
J’ai vû des croniqueurs attribuer le cas
Aux passe-droits qu’avoit une chienne en gésine ;
Quoi-qu’il en soit, cet altercas
Mit en combustion la salle et la cuisine ;
Chacun se déclara pour son Chat, pour son Chien.
On fit un Reglement dont les Chats se plaignirent,
Et tout le quartier étourdirent.
Leur Avocat disoit qu’il faloit bel et bien
Recourir aux Arrêts. En vain ils les chercherent
Dans un coin où d’abord leurs Agens les cacherent[5],

    Reine du monde sublunaire,
    Rit de voir que nôtre Univers
    Est devenu son tributaire.

    (Les Œuvres postumes.)

  1. Vous trouverez qu’à tous momens
    Ils sont en appointé contraire.

    (Les Œuvres postumes.)
  2. Une, dans Les Œuvres postumes.
  3. Plus, dans Les Œuvres postumes.
  4. S’en vient, dans Les Œuvres postumes.
  5. Car en certain cabas où leurs gens les cacherent,
    (Les Œuvres postumes.)