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FABLES CHOISIES.

Quand il en auroit eu, ç’auroit été tout un.
Le nez Roïal fut pris comme un nez du commun.
Dire des Courtisans les clameurs et la peine,
Seroit se consumer en efforts impuissans.
Le Roi n’éclata point ; les cris sont indécens
A la Majesté Souveraine.
L’Oiseau garda son poste. On ne put seulement
Hâter son départ d’un moment.
Son Maître le rappelle, et crie, et se tourmente,
Lui presente le leurre et le poing, mais en vain[1].
On crut que jusqu’au lendemain
Le[2] maudit animal à la serre insolente
Nicheroit là malgré le bruit,
Et sur le nez sacré voudroit passer la nuit.
Tâcher de l’en tirer irritoit son caprice.
Il quitte enfin le Roi, qui dit, Laissez aller
Ce Milan, et celui qui m’a crû régaler.
Ils se sont acquittez tous deux de leur office,
L’un en Milan, et l’autre en Citoïen des bois,
Pour moi qui sçais comment doivent agir les Rois,
Je les affranchis du supplice.
Et la Cour d’admirer. Les Courtisans ravis
Elevent de tels faits par eux si mal suivis[3].
Bien peu, même des Rois, prendroient un tel modelle ;
Et le Veneur l’échapa belle,
Coupable seulement, tant lui que l’animal,
D’ignorer le danger d’approcher trop du[4] Maître.
Ils n’avoient appris à connoître
Que les hôtes des bois : étoit-ce un si grand mal ?

  1. Chacun s’empresse, et tous en vain.
    (Les Œuvres postumes.)
  2. Ce, dans Les Œuvres postumes.
  3. Et la Cour d’admirer, et Courtisans ravis
    D’admirer de tels traits, par eux si mal suivis.

    (Les Œuvres postumes.)
  4. Le, dans Les Œuvres postumes.