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APPENDICE.


LA LIGUE DES RATS.



Une Souris craignoit un Chat,
Qui dés long-temps la guettoit au passage.
Que faire en cet état ? Elle, prudente et sage,
Consulte son Voisin ; c’estoit un maistre Rat,
Dont la rateuse Seigneurie
S’estoit logée en bonne Hostellerie,
Et qui cent fois s’étoit vanté, dit-on,
De ne craindre de Chat ou[1] Chate,
Ny coup de dent, ny coup de pate.
Dame Souris, luy dit ce Fanfaron,
Ma foy, quoy que je fasse
Seul je ne puis chasser le Chat qui vous menace,
Mais assemblant tous les Rats d’alentour,
Je luy pourray jouer d’un mauvais tour.
La Souris fait une humble reverence.
Et le Rat court en diligence
A l’Office, qu’on nomme autrement la Dépense,
Où maints Rats assemblez
Faisoient aux frais de l’Hoste une entiere bombance.
Il arrive les sens troublez,
Et les poumons tout essouflez[2].
Qu’avez-vous donc, luy dit un de ces Rats ? Parlez.
En deux mots, répond-il, ce qui fait mon voyage,
C’est qu’il faut promptement secourir la Souris,
Car Raminagrobis
Fait en tous lieux un etrange ravage[3].

La Fontaine. — I.
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  1. Ni, dans Les Œuvres postumes'.
  2.             Et tous les poumons essouflez.
    (Œuvres postumes.)
  3. Carnage, dans Les Œuvres postumes.