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LIVRE TROISIÉME




FABLE I.
LE MEUSNIER, SON FILS, ET L’ASNE[1].
A. M. D. M.[2]



L’Invention des Arts estant un droit d’aînesse,
Nous devons l’Apologue à l’ancienne Grece :
Mais ce Champs ne se peut tellement moissonner,
Que les derniers venus n’y trouvent à glaner.
La feinte est un païs plein de terres desertes ;
Tous les jours nos Auteurs y font des découvertes.
Je t’en veux dire un trait assez bien inventé.
Autrefois à Racan Malherbe l’a conté[3].
Ces deux rivaux d’Horace, heritiers de sa Lyre,
Disciples d’Apollon, nos Maistres pour mieux dire,
Se rencontrant un jour, tout seuls et sans témoins ;
(Comme ils se confioient leur pensers et leurs soins)
Racan commence ainsi. Dites-moy, je vous prie,
Vous qui devez sçavoir les choses de la vie,
Qui par tous ses degrez avez déja passé,

  1. Et leur Asne, dans l’édition de 1668.
  2. A Monsieur de Maucroix.
  3. Voyez : Vie de Malherbe, par Racan. Édition de Malherbe de M. Lalanne, tome 1, p.LXXXI et suivantes.