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DEUXIESME PARTIE.

Sortit encore, et fit place à l’Amant.
Autre renfort de tout contentement.
On s’en tint là. Leur ardeur refroidie,
Il en falut venir au dénoüement ;
Trois Acres eut sans plus la Comedie.
Sur le minuit l’Amant s’estant sauvé,
Le brin de fil aussi-tost fut tiré
Par un des siens sur qui l’Epoux se ruë,
Et le contraint en occupant la ruë
D’entrer chez luy, le tenant au collet,
Et ne sçachant que ce fust un Valet.
Bien à propos luy fut donné le change.
Dans le logis est un vacarme estrange.
La femme accourt au bruit que fait l’Epoux.
Le Compagnon se jette à leurs genoux ;
Dit qu’il venoit trouver la Chambriere ;
Qu’avec ce fil il la tiroit à soy
Pour faire ouvrir ; et que depuis n’aguere
Tous deux s’estoient entredonné la foy.
C’est donc cela, poursuivit la Commere
En s’adressant à la fille, en colere,
Que l’autre jour je vous vis à l’orteil
Un brin de fil : je m’en mis un pareil,
Pour attraper avec ce stratagême
Vostre Galant. Or bien, c’est vostre Epoux :
A la bonne heure : il faut cette nuit-mesme
Sortir d’icy. Berlinguier fut plus doux ;
Dit qu’il faloit au lendemain attendre.
On les dota l’un et l’autre amplement,
L’Epoux, la fille ; et le Valet, l’Amant :
Puis au Moûtier le couple s’alla rendre ;
Se connoissant tous deux de plus d’un jour.
Ce fut la fin qu’eut le troisiéme tour.
  Lequel vaut mieux ? Pour moy, je m’en rapporte.
Macée ayant pouvoir de décider,
Ne sceut à qui la victoire accorder,
Tant cette affaire à resoudre estoit forte.
Toutes avoient eu raison de gager.