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CONTES ET NOUVELLES.

Le procez pend, et pendra de la sorte
Encor long-temps, comme l’on peut juger.



VIII. — LE CALENDRIER DES VIEILLARDS.
Nouvelle tirée de Bocace[1].


Plus d’une fois je me suis étonné,
Que ce qui fait la paix du mariage
En est le poinct le moins consideré
Lors que l’on met une fille en ménage.
Les pere et mere ont pour objet le bien ;
Tout le surplus, ils le comptent pour rien :
Jeunes tendrons à Vieillards apparient ;
Et cependant je voy qu’ils se soucient
D’avoir chevaux à leur char attelez
De mesme taille, et mesmes chiens couplez ;
Ainsi des bœufs, qui de force pareille
Sont toûjours pris ; car ce seroit merveille
Si sans cela la charrue alloit bien.
Comment pourroit celle du mariage
Ne mal aller, estant un attelage
Qui bien souvent ne se rapporte en rien ?
J’en vas conter un exemple notable.
On sçait qui fut Richard de Quinzica,
Qui mainte Feste sa femme allegua,
Mainte vigile, et maint jour feriable,
Et du devoir crut s’échaper par là.
Trés-lourdement il erroit en cela.
Cestuy Richard estoit Juge dans Pise,
Homme sçavant en l’étude des loix,
Riche d’ailleurs, mais dont la barbe grise

  1. Decameron, giornata II, novella X.