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DEUXIESME PARTIE.

Ne manque pas d’agir de son costé :
Puis le desir, enfant de la contrainte.
Ma fille est Nonne, Ergo c’est une Sainte,
Mal raisonner. Des quatre parts les trois
En ont regret et se mordent les doigts ;
Font souvent pis ; au moins l’ay-je oüy dire,
Car pour ce poinct je parle sans sçavoir.
Bocace en fait certain Conte pour rire,
Que j’ay rimé comme vous allez voir.
  Un bon Vieillard en un Couvent de filles
Autrefois fut, labouroit le jardin.
Elles estoient toutes assez gentilles,
Et volontiers jasoient dés le matin.
Tant ne songeoient au service divin
Qu’à soy montrer és Parloirs aguimpéees[1],
Bien blanchement, comme droites poupées,
Preste chacune à tenir coup aux gens ;
Et n’estoit bruit qu’il se trouvast leans[2]
Fille qui n’eût dequoy rendre le change,
Se renvoyant l’une à l’autre l’éteuf.
Huit Sœurs estoient, et l’Abbesse sont neuf,
Si mal d’accord que c’estoit chose étrange.
De la beauté, la pluspart en avoient ;
De la jeunesse, elles en avoient toutes.
En cettuy lieu beaux Peres frequentoient,
Comme on peut croire, et tant bien supputoient,
Qu’il ne manquoit à tomher sur leurs routes[3].

  1. Edition de 1668 :
    Qu’à se montrer au Parloir aguimpées.
  2. Edition de 1668 :
    Et n’estoit jour qu’on ne trouvât leans.
  3. C’est ici le texte de l’édition de 1669, donnée par La Fontaine. Avec cette leçon le sens est fort clair : notre auteur veut dire que les bons Pères qui venoient voir les sœurs calculoient si bien qu’il y avoit pour eux de fréquentes occasions