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CONTES ET NOUVELLES.

  Le bon Vieillard Jardinier dessus-dit
Prés de ces Sœurs perdoit presque l’esprit ;
A leur caprice il ne pouvoit suffire.
Toutes vouloient au Vieillard commander ;
Dont ne pouvant entre elles s’accorder,
Il souffroit plus que l’on ne sçauroit dire.
  Force luy fût de quitter la maison.
Il en sortit de la mesme façon
Qu’estoit entré là dedans le pauvre homme,
Sans croix ne pile[1], et n’ayant rien en somme
Qu’un vieil habit. Certain jeune garçon
De Lamporech, si j’ay bonne memoire,
Dit au Vieillard un beau jour aprés boire,
Et raisonnant sur le fait des Nonains,
Qu’il passeroit bien volontiers sa vie
Prés de ces Sœurs, et qu’il avoit envie
De leur offrir son travail et ses mains,
Sans demander recompense ny gages.
Le Compagnon ne visoit à l’argent :
Trop bien croyoit, ces Sœurs estant peu sages,
Qu’il en pourroit croquer une en passant,
Et puis une autre, et puis toute la troupe.
Nuto luy dit (c est le nom du Vieillard) :

    de faillir, de tomber. Malheureusement les éditions de 1668 et de 1685, suivies par tous les éditeurs modernes, portent :

    Qu’ils ne manquoient…,
    ce qui rend le passage un peu plus difficile. Aussi les commentateurs des Contes se sont-ils bien gardés d’en parler, à l’exception toutefois du bibliophile Jacob, qui a eu l’imprudence de mettre en note : « Cette phrase est très obscure, si l’on n’explique pas supputoient par buvoient. La Fontaine veut peut-être dire que les moines arrangeoient toujours leurs tournées de manière à rencontrer le couvent sur leur route. »

  1. Edition de 1668 :
    Sans croix ny pile…