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TROISIESME PARTIE.

Qu’on n’en sonneroit pas deux mots, en tout un an,
Quand vous parlez, c’est dit notable ;
On vous met le premier à table :
C’est pour vous la place d’honneur,
Pour vous le morceau du Seigneur :
Heureux qui vous le sert ! la Blondine chiorme
Afin de vous gagner n’épargne aucun moyen :
Vous estes le Patron, dont je conclus en forme :
Cocuage est un bien.
 
Quand vous perdez au jeu, l’on vous donne revanche ;
Mesme vostre homme escarte et ses As et ses Rois.
Avez-vous sur les bras quelque Monsieur Dimanche,
Mille bourses vous sont ouvertes à la fois.
Ajoutez que l’on tient vostre femme en haleine,
Elle n’en vaut que mieux, n’en a que plus d’appas :
Menelas rencontra des charmes dans Helene,
Qu’avant qu’estre à Paris la Belle n’avoit pas.
Ainsi de vostre Epouse : on veut qu’elle vous plaise :
Qui dit prude au contraire, il dit laide ou mauvaise,
Incapable en amour d’apprendre jamais rien.
Pour toutes ces raisons je persiste en ma these :
Cocuage est un bien.

Si ce Prologue est long, la matiere en est cause :
Ce n’est pas en passant qu’on traite cette chose.
Venons à nostre histoire. Il estoit un Quidam,
Dont je tairay le nom, l’estat, et la patrie :
Celuy-cy, de peur d’accident,
Avoit juré que de sa vie
Femme ne luy seroit autre que bonne amie,
Nimphe si vous voulez, Bergere, et cetera ;
Pour épouse, jamais il n’en vint jusques-là.
S’il eut tort ou raison, c’est un poinct que je passe.
Quoy qu’il en soit, Hymen n’ayant pû trouver grace
Devant cet homme, il falut que l’amour
Se meslât seul de ses affaires,
Eust soin de le fournir des choses necessaires,


La Fontaine.-- II.