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TROISIESME PARTIE.

Anselme, à son tour éperdu,
Admire ce Palais basty non pour des hommes,
Mais apparamment pour des Dieux :
Appartemens dorez, meubles trés-precieux,
Jardins et bois delicieux ;
On auroit peine à voir, en ce siecle où nous sommes,
Chose si magnifique et si riante aux yeux.
Toutes les portes sont ouvertes ;
Les chambres sans hoste et desertes ;
Pas une ame en ce Louvre ; excepté qu’à la fin
Un More trés-lippu, trés-hideux, trés-vilain,
S’offre aux regards du Juge, et semble la copie
D’un Esope d’Ethiopie.
Nostre Magistrat l’ayant pris
Pour le Balayeur du logis,
Et croyant l’honorer luy donnant cet office :
Cher amy, luy dit-il, apprend-nous à quel Dieu
Appartient un tel edifice ;
Car de dire un Roy, c’est trop peu.
Il est à moy, reprit le More.
Nostre Juge à ces mots se prosterne, l’adore,
Luy demande pardon de sa temerité.
Seigneur, ajousta-t-il, que vostre Deïté
Excuse un peu mon ignorance.
Certe, tout l’Univers ne vaut pas la chevance
Que je rencontre icy. Le More luy répond :
Veux-tu que je t’en fasse un don ?
De ces lieux enchantez je te rendray le Maistre,
A certaine condition.
Je ne ris point ; tu pourras estre
De ces lieux absolu Seigneur,
Si tu me veux servir deux jours d’enfant d’honneur.
…. Entends-tu ce langage ?
Et sçais-tu quel est cet usage ?
Il te le faut expliquer mieux.
Tu connois l’Echanson du Monarque des Dieux ?

Anselme.
Ganimede ?