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CONTES ET NOUVELLES.

Des mesmes armes combatuë.
Touchez-là, mon mary ; la paix ; car aussi bien
Je vous défie ayant ce Chien :
Le fer ny le poison pour moy ne sont à craindre :
Il m’avertit de tout ; il confond les jaloux ;
Ne le soyez donc point ; plus on veut nous contraindre,
Moins on doit s’assurer de nous.
Anselme accorda tout : qu’eust fait le pauvre Sire ?
On luy promit de ne pas dire
Qu’il’ avoit esté Page. Un tel cas estant teu,
Cocüage, s’il eust voulu,
Auroit eu ses franches coudées.
Argie en rendit grace : et compensations
D’une et d’autre part accordées,
On quitta la campagne à ces conditions.
Que devint le Palais ? dira quelque critique.
Le Palais ? que m’importe ? il devint ce qu’il put.
A moy ces questions ! suis-je homme qui se pique
D’estre si regulier ? Le Palais disparut.
Et le Chien ? le Chien fit ce que l’Amant voulut.
Mais que voulut l’Amant ? Censeur, tu m’importunes.
Il voulut par ce Chien tenter d’autres fortunes.
D’une seule conqueste est-on jamais content ?
Favory se perdoit souvent :
Mais chez sa premiere Maistresse
Il revenoit toûjours. Pour elle, sa tendresse
Devint bonne amitié. Sur ce pied, nostre Amant
L’alloit voir fort assidument :
Et mesme en l’accommodement
Argie à son Epoux fit un serment sincere
De n’avoir plus aucune affaire.
L’Epoux jura de son costé
Qu’il n’auroit plus aucun ombrage,
Et qu’il vouloit estre foüetté
Si jamais on le voyoit Page.