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PREMIERE PARTIE.

Le galant vint, et s’approcha
Des pieds du lit ; puis fit en sorte
Qu’entre les draps il se glissa :
Et Dieu sçait comme il se plaça,
Et comme enfin tout se passa :
Et de cecy, ny de cela,
Ne se douta le moins du monde
Ny le Roy Lombard, ny Joconde.
Chacun d’eux pourtant s’éveilla,
Bien estonné de telle aubade.
Le Roy Lombard dit à part soy :
Qu’a donc mangé mon camarade ?
Il en prend trop ; et sur ma foy,
C’est bien fait s’il devient malade.
Autant en dit de sa part le Romain.
Et le garçon, ayant repris haleine,
S’en donna pour le jour, et pour le lendemain,
Enfin pour toute la semaine.
Puis, les voyant tous deux rendormis à la fin,
Il s’en alla de grand matin,
Toûjours par le mesme chemin,
Et fut suivy de la Donzelle,
Qui craignoit fatigue nouvelle.
Eux éveillez, le Roy dit au Romain :
Frere, dormez jusqu’à demain ;
Vous en devez avoir envie,
Et n’avez à present besoin que de repos.
Comment ? dit le Romain : mais vous-même, à propos[1],
Vous avez fait tantost une terrible vie.
Moy ? dit le Roy ; j’ay toûjours attendu :
Et puis, voyant que c’estoit temps perdu,
Que sans pitié ny conscience
Vous vouliez jusqu’au bout tourmenter ce tendron,

  1. Edition originale :
    Et n’avez de present besoin que de repos.
    Voire, dit le Romain, mais vous-mesme, à propos…