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A D O N I S .

Aux monts Idaliens elle dresse son cours.
Son char, qui trace en l’air de longs traits de lumiere,
A bien-tost achevé l’amoureuse carriere.
Elle trouve Adonis prés des bords d’un ruisseau.
Couché sur des gazons, il resve au bruit de l’eau[1] ;
Il ne void presque pas l’onde qu’il considere ;
Mais l’éclat des beaux yeux qu’on adore en Cythere
L’a bien-tost retiré d’un penser si profond.
Cet objet le surprend, l’estonne et le confond ;
Il admire les traits de la fille de l’onde.
Un long tissu de fleurs, ornant sa tresse blonde,
Avoit abandonné ses cheveux aux Zephirs ;
Son écharpe, qui vole au gré de leurs soûpirs,
Laisse voir les tresors de sa gorge d’albastre.
Jadis en cet estat Mars en fut idolastre,
Quand aux champs de l’Olympe on celebra des jeux
Pour les Titans défaits par son bras valeureux.
Rien ne manque à Venus ; ny les lys, ny les roses,
Ny le meslange exquis des plus aymables choses,
Ny ce charme secret dont l’œil est enchanté,
Ny la grace plus belle encor que la beauté.
Telle on vous void, Amynte : une grace fidelle
Vous peut de tous ces traits presenter un modelle ;
Et, s’il faloit juger de l’objet, le plus doux,
Le sort seroit douteux entre Venus et vous.
Tandis que le Heros admire Citherée,
Elle rend par ces mots son ame rassurée[2] :
Trop aymable mortel, ne crain point mon aspect ;
Que de la part d’Amour rien ne te soit suspect :
En ces lieux écartez c’est luy seul qui m’ameine.

  1. Manuscrit de 1658 :
    Elle trouve Adonis qui resve au bruit de l’eau,
    Couché négligemment sur les bords d’un ruisseau.
  2. Au lieu des dix-huit vers qui précèdent, on lit seulement dans le manuscrit de 1658 les deux suivants :
    La charmante Venus, d’eclat environnée,
    Rend par ces mots le calme à son ame estonnée.