Vous aurois-je offensée, ou ne m’aymez-vous plus ?
Ah ! dit-elle, quittez ces soupçons superflus ;
Adonis tascheroit en vain de me déplaire[1] :
Ces pleurs naissent d’amour, et non pas de colere.
D’un déplaisir secret mon cœur se sent atteint :
Il faut que je vous quitte, et le sort m’y contraint ;
Il le faut ; Vous pleurez ! Du moins, en mon absence,
Conservez-moy toûjours un cœur plein de constance[2] ;
Ne pensez qu’à moy seule, et qu’un indigne choix
Ne vous attache point aux Nymphes de ces bois :
Leurs fers aprés les miens ont pour vous de la honte[3] ;
Sur tout de vostre sang il me faut rendre compte ;
Ne chassez point aux Ours, aux Sangliers, aux Lions ;
Gardez-vous d’irriter tous ces Monstres felons !
Laissez[4] les animaux qui, fiers et pleins de rage,
Ne cherchent leur salut qu’en montrant leur courage ;
Les Daims et les Chevreuils, en fuyant devant vous,
Donneront à vos sens des plaisirs bien plus doux[5].
Je vous ayme, et ma crainte a d’assez justes causes ;
Il sied bien en amour de craindre toutes choses.
Que deviendrois-je, helas ! si le sort rigoureux
Me privoit pour jamais de objet de mes vœux[6] ?
- ↑ Manuscrit de 1658 :
Vous vous efforceriez en vain de me deplaire. - ↑ Manuscrit de 1658 :
Il le faut : vous pleurez ! est-ce de mon absence ;
Au moins soyez fidelle, ayez de la constance.
- ↑ Manuscrit de 1658 :
Ne vous soûmette point aux nymphes de ces bois.
Leurs fers, aprés les miens, sont pour vous pleins de honte.
- ↑ Fuyez, dans le manuscrit de 1658.
- ↑ Manuscrit de 1658 :
Et coupables qu’ils sont de cent cruels repas,
Ne veulent point mourir qu’en vengeant leur trepas. - ↑ Manuscrit de 1658 :
Si quelque coup fatal vous forçoit à perir,
Que deviendroit Venus en ne pouvant mourir ?