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POEME DU QUINQUINA.
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Le test et le cerveau, piquez violemment,
Joignent à la douleur les songes, les chimeres,
L’appetit de parler, effets trop ordinaires.
Que si le venin dominant
Se puise en la melancolie,
J’ay deux jours de repos, puis le mal survenant
Jette un long ennuy sur ma vie.

Ainsi parle l’Ecole et tous ses Sectateurs.
Leurs malades debout aprés force lenteurs
Donnoient cours à cette doctrine :
La Nature, ou la Medecine,
Ou l’union des deux, sur le mal agissoit.
Qu’importe qui ? l’on guerissoit.
On n’exterminoit pas la fievre, on la lassoit.
Le bon tempérament, le sené, la saignée :
Celle cy, disoient-ils, ôtant le sang impur,
Et non comme aujourd’huy des mortels dedaignée ;
Celuy-là, purgatif innocent et trés-seur
(Ils l’ont toûjours cru tel) ; et le plus necessaire,
J’entends le bon tempérament,
Rendu meilleur encor par le bon aliment,
Remettoient le malade en son train ordinaire.
On se rétablissoit, mais toûjours lentement.
Une cure plus prompte étoit une merveille.
Cependant la longueur minoit nos facultez
S’il restoit des impuretez,
Les remedes alors de nouveau repetez.
Casse, rhubarbe, enfin mainte chose pareille,
Et sur tout la diete, achevoient le surplus,
Chassoient ces restes superflus,
Relâchoient, resserroient, faisoient un nouvel homme :
Un nouvel homme ! un homme usé.
Lors qu’avec tant d’apprests cet œuvre se consomme,
Le tresor de la vie est bientôt épuisé.

Je ne veux pour témoins de ces experiences
Que les peuples sans loix, sans arts, et sans sciences :