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CHANT PREMIER.
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Les remedes frequens n’abregent point leurs jours,
Rien n’en hâte le long et le paisible cours.
Telle est des Iroquois la gent presque immortelle :
La vie aprés cent ans chez eux est encor belle.
Ils lavent leurs enfans aux ruisseaux les plus froids.
La Mere au tronc d’un arbre, avecque son carquois,
Attache la nouvelle et tendre créature ;
Va sans art aprêter un mets non acheté.
Ils ne trafiquent point des dons de la nature :
Nous vendons cher les biens qui nous ont peu couté ;
L’âge où nous sommes vieux est leur adolescence.
Enfin il faut mourir ; car sans ce commun sort
Peut-être ils se mettroient à l’abri de la mort
Par le secours de l’ignorance.

Pour nous, fils du sçavoir, ou, pour en parler mieux,
Esclaves de ce don que nous ont fait les Dieux,
Nous nous sommes prescrit une étude infinie.
L’art est long, et trop courts les termes de la vie ;
Un seul poinct négligé fait errer aisément.
Je prendray de plus haut tout cet enchainement,
Matiere non encor par les Muses traitée,
Route qu’aucun mortel en ses Vers n’a tentée :
Le dessein en est grand, le succès malaisé ;
Si je m’y perds, au moins j’auray beaucoup osé.

Deux portes sont au cœur ; chacune a sa valvule.
Le sang, source de vie, est par l’une introduit ;
L’autre huissiere permet qu’il sorte et qu’il circule,
Des veines sans cesser aux arteres conduit.
Quand le cœur l’a reçu, la chaleur naturelle
En forme ces esprits qu’animaux on appelle.
Ainsi qu’en un creuset il est rarefié.
Le plus pur, le plus vif, le mieux qualifié,
En atomes extrait quitte la masse entiere,
S’exhale, et sort enfin par le reste attiré.
Ce reste r’entre encore, est encore épuré ;
Le Chile y joint toûjours matiere sur matiere.