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POEME DU QUINQUINA.
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Ces atomes font tout : par les uns nous croissons ;
Les autres, des objets toüchez en cent façons,
Vont porter au cerveau les traits dont ils s’empreignent,
Produisent la sensation,
Nulles prisons ne les contraignent ;
Ils sont toûjours en action.
Du cerveau dans les nerfs ils entrent, les remuënt ;
C’est l’état de la veille ; et reciproquement,
Si-tôt que moins nombreux en force ils diminuent,
Les fils des nerfs lâchez font l’assoupissement.

Le sang s’acquitte encor chez nous d’un autre office.
En passant par le cœur il cause un battement ;
C’est ce qu’on nomme pouls, seur et fidele indice
Des degrez du fievreux tourment.
Autant de coups qu’il reïtere,
Autant et de pareils vont d’artere en artere
Jusqu’aux extremitez porter ce sentiment.
Nôtre santé n’a point de plus certaine marque
Qu’un pouls égal et moderé ;
Le contraire fait voir que l’être est alteré ;
Le foible et l’étouffé confine avec la Parque,
Et tout est alors déploré.

Que l’on ait perdu la parole,
Ce trucheman pour nous dit assez nôtre mal,
Assez il fait trembler pour le moment fatal :
Æsculape en fait sa boussole.
Si toûjours le Pilote a l’œil sur son aymant,
Toûjours le Medecin sattache au battement,
C’est sa guide ; ce poinct l’assure et le console
En cette mer d’obscuritez
Que son art dans nos corps trouve de touscôtez.
 
Ayant parlé du pouls, le frisson se presente.
Un froid avancoureur s’en vient nous annoncer
Que le chaud de la fievre aux membres va passer.
Le cœur le fomentoit, c’est au cœur qu’il s’augmente.
Et qu’enfin parvenant jusqu’à certain excés
Il acquiert un degré qui forme les accés.