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SECOND CHANT.

On frissonne, on a chaud. J’ay déduit ces effets
Selon leur ordre et leur progrés.
Dés qu’un certain acide en nôtre corps domine,
Tout fermente, tout bout, les esprits, les liqueurs ;
Et la fievre de là tire son origine
Sans autre vice des humeurs.
Que faisoient nos ayeux pour rendre plus tranquille
Ce sang ainsi boüillant ? ils saignoient, mais en vain :
L’eau qui reste en l’Æolipile
Ne se refroidit pas quand il devient moins plein.
L’airain souflant fait voir que la liqueur enclose
Augmente de chaleur, décheuë en quantité :
Le soufle alors redouble, et cet air irrité
Ne trouve du repos qu’en consumant sa cause.
Du sentiment fievreux on trenche ainsi le cours ;
Il cesse avec le sang, le sang avec nos jours.

Tout mal a son remede au sein de la nature.
Nous n’avons qu’à chercher : de là nous sont venus
L’antimoine avec le Mercure,
Tresors autrefois inconnus.
Le Quin regne aujourd’huy : nos habiles s’en servent.
Quelques-uns encore conservent,
Comme un poinct de religion,
L’interest de l’école et leur opinion.
Ceux-là même y viendront, et desormais ma veine
Ne plaindra plus des maux dont l’art fait son domaine.
Peu de gens, je l’avoüe, ont part à ce discours :
Ce peu c’est encor trop. Je reviens à l’usage
D’une écorce fameuse, et qui va tous les jours
Rappeller des mortels jusqu’au sombre rivage.
Un arbre en est couvert, plein d’esprits odorans,
Gros de tige, étendu, Protecteur de l’ombrage :
Apollon a doüé de cent dons differens
Son bois, son fruit, et son feüillage.
Le premier sert à maint ouvrage ;
Il est ondé d’aurore ; on en pouroit orner
Les maisons où le luxe a droit de dominer.