Dont renvoyé s’en va gay comme un Prince.
La Cour s’en plaint, et le Juge repart :
Ne me blâmez, Messieurs, pour cet égard.
De nouveauté dans mon fait il n’est maille ;
Maint d’entre-vous souvent juge au hazard,
Sans que pour ce tire à la courte-paille.
Un Païsan son Seigneur offensa :
L’Histoire dit que c’estoit bagatelle ;
Et toutesfois ce Seigneur le tança
Fort rudement; ce n’est chose nouvelle.
Coquin, dit-il, tu merites la hard :
Fay ton calcul d’y venir tost ou tard ;
C’est une fin à tes pareils commune.
Mais je suis bon ; et de trois peines l’une
Tu peux choisir : ou de manger trente aulx,
J’entends sans boire, et sans prendre repos ;
Ou de souffrir trente bons coups de gaules,
Bien appliquez sur tes larges épaules ;
Ou de payer sur le champ cent écus.
Le Païsan consultant là-dessus :
Trente aulx sans boire ! ah, dit-il en soy-même,
Je n’appris onc à les manger ainsi.
De recevoir les trente coups aussi,
Je ne le puis sans un peril extrême.
Les cent écus, c’est le pire de tous.
- ↑ Dans les manuscrits de Conrart cette pièce a pour titre : Conte d’un Gentilhomme espagnol et d’un Païsan son vassal. Molière s’est rappelé ce conte en écrivant le 1er intermède du Malade imaginaire.