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DEUXIESME PARTIE.

Remise au lit en chemise ainsi nuë :
C’estoit pour faire un bon charivary.
Dieu soit loüé que ce berceau me monstre
Que c’est icy qu’est couché mon mary.
Disant ces mots, auprés de cet amy
Elle se met. Fol ne fut n’étourdy,
Le compagnon, dedans un tel rencontre :
La mit en œuvre, et sans témoigner rien
Il fit l’Epoux ; mais il le fit trop bien.
Trop bien ! je faux ; et c’est tout le contraire :
Il le fit mal ; car qui le veut bien faire
Doit en besogne aller plus doucement.
Aussi l’Hostesse eut quelque estounement.
Qu’a mon mary, dit-elle, et quelle joye
Le fait agir en homme de vingt ans ?
Prenons cecy, puis que Dieu nous l’envoye ;
Nous n’aurons pas toujours tel passe-temps.
Elle n’eut dit ces mots entre ses dents,
Que le Galant recommence la feste.
La Dame estoit de bonne emplette encor :
J’en ay, je crois, dit un mot dans l’abord :
Chemin faisant, c’estoit fortune honneste.
Pendant cela, Colette apprehendant
D’estre surprise avecque son Amant,
Le renvoya, le jour venant à poindre.
Pinucio voulant aller rejoindre
Son compagnon, tomba tout de nouveau
Dans cette erreur que causoit le berceau ;
Et pour son lit il prit le lit de l’Hoste.
Il n’y fut pas qu’en abbaissant sa voix
(Gens trop heureux font toûjours quelque faute),
Amy, dit-il, pour beaucoup je voudrois
Te pouvoir dire à quel point va ma joye.
Je te plains fort que le Ciel ne t’envoye
Tout maintenant mesme bon-heur qu’à moy.
Ma foy Colette est un morceau de Roy.
Si tu sçavois ce que vaut cette fille !
J’en ay bien veu, mais de telle, entre nous,