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CONTES ET NOUVELLES.

Tant qu’à dessein d’aller faire un bouquet,
La pauvre Epouse au jardin est menée.
Là fut par luy procedé de nouveau ;
Mesme debat, mesme jeu se commence.
Fleurs de voler : tetons d’entrer en danse !
Elle y prit goust ; le jeu luy sembla beau :
Somme, que l’herbe en fut encor froissée.
La pauvre Dame alla l’apresdînée
Voir sa voisine, à qui ce secret là
Chargeoit le cœur : elle se soulagea
Tout dés l’abord. Je ne puis, ma commere,
Dit cette femme avec un front severe,
Laisser passer sans vous en avertir
Ce que j’ay veu. Voulez-vous vous servir
Encor long-temps d’une fille perdüe ?
A coups de pied, si j’estois que de vous,
Je l’envoyrois ainsi qu’elle est venuë.
Comment ! elle est aussi brave que nous !
Or bien ; je sçais celuy de qui procede
Cette piafe : apportez-y remede
Tout au plustost, car je vous avertis
Que ce matin estant à la fenestre,
(Ne sçais pourquoy) j’ay veu de mon logis
Dans son jardin vostre mary paroistre,
Puis la Galande ; et tous deux se sont mis
A se jetter quelques fleurs à la teste.
Sur ce propos l’autre l’arresta coy.
Je vous entends, dit-elle, c’estoit moy.
La Voisine.
Voire ! écoutez le reste de la feste :
Vous ne sçavez où je veux en venir.
Les bonnes gens se sont pris à cueillir
Certaines fleurs que baisers on appelle.
La Femme.
C’est encor moy que vous preniez pour elle.
La Voisine.
Du jeu des fleurs à celuy des des tetons